La Madone de la Toussaint, peinture de Giotto

Publié le : 20 décembre 20218 mins de lecture

La sacralité de l’art du XIVe siècle trouve l’exégèse extrême de l’image hiératique chez Giotto di Bondone (1267-1337), promoteur suprême de l’innovation dans la Florence de Spini, Frescobaldi et Gianfigliazzi. Un pouvoir concret celui de la « Majesté des Saints » (1310, ou Madone de la Toussaint) de Giotto, loin du monde céleste et éthéré de l’imposition byzantine, nourri par l’inviolable détachement religieux. Matrone séculaire du ciel et de la terre, la Madone de Giotto porte en elle l’avant-garde encore naissante d’une nouvelle peinture, dépassant la grandeur des peintres suprêmes de l’art toscan, et en constante comparaison avec la « Madonna Rucellai » de Duccio di Buoninsegna (1285-1285) (1255-1318) et la « Majesté de la Sainte Trinité » de Cimabue (1280) (1240-1302), au nom d’une poétique picturale émergente à l’esprit clairvoyant. Le contraste fervent entre les maîtres de l’art florentin, au point critique d’une évolution progressive vers les exigences d’une nouvelle mentalité, ouvre le débat visuel dans une salle de la Galerie des Offices, dans l’immersion complète du même motif sacré et dans la compréhension immédiate des divergences stylistiques et interprétatives de l’art du XIVe siècle.

Madone de tous les saints: notes techniques et descriptives

La critique érudite du monde académique, identifie habituellement dans le retable florentin d’Ognissanti une réalisation antérieure à la période padoue, dans une contradiction chronologique inhabituelle et unique, dans la plus grande certitude des références stables de l’art de Giotto, preuves que l’on peut trouver, par exemple, dans les sublimes fresques de l’Arène ou de Santa Croce. Une considération remarquable, cette dernière, si l’on considère qu’il n’existe pas de liens anticipés et prémonitoires qui lient la « Majesté de tous les saints » à la Vierge de la chapelle Scrovegni de Padoue (1305), encore moins dans les fresques de la basilique supérieure de Saint-François d’Assise (vers 1290). Il est donc peu important, pour les besoins d’un nouvel exutoire cognitif, de comparer la Madone florentine à la fresque de la Madone du tondo d’Assise (« Madone avec l’enfant qui rit »,1290) qui, vraisemblablement réalisée seulement en partie par Giotto, exprime parfaitement un moment stylistique particulier de l’église supérieure d’Assise. L’évolution du chef-d’œuvre de Giotto prend une plus grande valeur cognitive lorsque l’on compare le travail avec les réalisations antérieures et ultérieures. La « Madone et l’enfant avec l’enfant qui rit » pose légèrement aux trois quarts, contrairement à l’enfant représenté de profil, dans une combinaison spatiale qui véhicule les figures dans le plan du mur, finissant par donner une pleine frontalité à toute la représentation picturale.  Dans la Madone de Padoue, les figures sont projetées dans la direction du spectateur grâce au rendu d’une frontalité rigide et à la rigueur de la perspective remplie par la densité d’un clair-obscur évident, qui au début échoue le sens du relief plastique, sculptural. Giotto a dépassé les limites du frontal imposées dans la « Madone de tous les saints » où, dans la pleine intuition d’une nouvelle réalisation, il a opté pour un nouveau rendu du relief plastique. La Vierge est assise devant, mais le buste est légèrement tourné, de sorte que le visage reprend la pose corporelle dans une résolution effective des trois quarts, l’unité plastique émerge fortement, concluant son parcours dans le rendu de la tunique avec des plis diagonaux forts et décisifs, presque comme pour indiquer, dans leur rigidité graphique, les directions du mouvement qui, malgré l’absence de la densité du clair-obscur de la Vierge de Padoue, acquièrent une énorme intensité plastique, en plein accord avec la solidité sacrée du manteau noir. La tête de la Vierge s’incline impitoyablement en direction de l’épaule divine, soutenant ainsi le mouvement enveloppant des plis du manteau, qui sont disposés de façon audacieuse et géométrique en une courbe concentrique par rapport aux plis du torse. Dans la « Madone de tous les saints », le regard perd la rigidité des chefs-d’œuvre de Padoue, et les paupières sont orientées par flexion et étirement dans l’adaptation plastique aux temples de la Sainte Vierge. La saillie du nez est atténuée, qualité anatomique qui donne un camouflage au visage, permettant de garder intact et fermé le masque ovale. La révélation de ces éléments ne permet pas de se référer avec certitude à la « Majesté de la Toussaint » ni à la période florentine ni au moins à la période padoue, mais il est utile de comprendre que le problème plastique actuel de la production padouane et assyrienne est complètement surmonté et résolu dans la « Majesté de la Toussaint ». Un aspect intéressant et utile pour définir l’évolution conceptuelle de Giotto dans la peinture du XIVe siècle est le rendu des halos : Giotto revient, dans le retable florentin, à l’utilisation du halo frontal, après avoir utilisé les halos raccourcis dans l’Arène, probablement en raison de l’accentuation de l’adresse plastique. Les halos raccourcis étaient liés à une spatialité délicieusement naturaliste, dont Giotto s’éloigne lorsqu’il précise en lui le désir de définir plastiquement et de façon profondément claire les plans parallèles au plan du tableau. Le raccourcissement des halos nécessitait des directions de perspective, qui étaient souvent en contraste avec les résolutions plastiques, souvent frontales, auxquelles Giotto tendait. L’abandon d’un rendu en perspective, avec les objectifs audacieux et modernes du nimbi de raccourcissement, a permis de mettre à l’échelle les plans frontaux, « comme des disques indicateurs de perspective. Ce choix technique ne sera pas abandonné, même dans la célèbre chapelle Bardi, où dans le renoncement au halo en raccourcissement, il a toujours adopté, à des fins non naturalistes, une autre impression directe de la nature. Les ombres importées avaient longtemps été utilisées par la peinture ancienne, surtout byzantine, pour revenir en vogue avec Giotto, et enfin à la Renaissance grâce à l’œuvre picturale de Masaccio (1401-1428). De cette brève analyse, il ressort clairement à quel point le changement provoqué par Giotto dans la peinture toscane du XIVe siècle a été fort et radical. La nouveauté est réunie avec les styles archaïques dans l’œuvre de Giotto, ramenant le byzantinisme dans les cours orientales dans l’utilisation archaïque du fond doré et le fort contraste entre la lumière et l’ombre.

Genèse de l’œuvre

La table cuspide a été obtenue par Giotto pour l’église de la Toussaint à Florence. La présence du chef-d’œuvre de Giotto dans la basilique florentine est attestée par la citation de la tabula à l’intérieur d’une brève description faite par Lorenzo Ghiberti (1378-1455) dans le traité intitulé « . Un commentaire », de 1455. L’œuvre est à nouveau mentionnée en 1418, année où l’autel est vendu à Francesco di Benozzo. L’importance de Giotto se révèle en sa présence dans la « Divine Comédie » de Dante Alighieri, comme un génie à la connaissance picturale incontestée, supérieure à celle du maître Cimabue. Les oeuvres d’arts sont affichés dans le musée européen. Les artistes ont exposé certaines de leurs œuvres dans un église pour être contemplé pendant la messe. L’essentiel est de revêtir une histoire pour marquer le siècle. Depuis plusieurs années, l’histoire et les arts sont étroitement liés. 

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